Alors il en est où notre Clémenceau et son amiante ?
Quelque part en mer, il poursuit tranquillement son voyage vers l’Inde pour y être démantelé comme si rien n’était. Un peu à la manière d’un autiste, le porte-avions français se dirige vers l’état du Gujarat malgré les protestations, les critiques et surtout l’hypothétique autorisation finale de la cour suprême indienne qui avait donné dans un premier temps avis négatif. Cette décision est attendue pour le 13 février au plus tard.

En attendant, la quantité d’amiante sur le Clémenceau fait débat en France. L’état français affirme que le porte-avions en contient uniquement 45 tonnes. Mais dans un dossier de ce type qui mélange informations militaires et polémique internationale, croire dans la sincérité de l’état français n’est pas évident. D’autant plus que la société technopure, qui a retiré une partie de l’amiante sur le navire, avance des chiffres nettement plus importants. Des experts, mandatés par des associations militant contre le démantèlement du navire en Inde, annoncent une quantité d’amiante entre 500 et 1000 tonnes[1] (ainsi que d’autre substances dangereuses). Les experts se sont appuyés sur les documents fournis par technopure à la cour suprême indienne.

Le 31 janvier, l’état français, pour empêcher cette expertise, s’est permit d’assigner en justice les associations L’Andeva, Ban Asbestos, le Comité anti-amiante Jussieu et Greenpeace[2]. Situation paradoxale où des associations civiles se retrouvent du coté des accusés pour avoir demandé plus de transparence ; la justice a rejeté les poursuites.

Deux éléments supplémentaires pourraient avoir des incidences sur cette polémique sans que je puisse en estimer l’impact :

  • Le commissaire européen à l’environnement demande des explications à la France sur les conditions de cette opération. Une enquête est en cours sur la légalité de ce transfert. Aujourd’hui, ce n’est plus l’Egypte ou l’Inde mais nos partenaires européens qui cherche à valider si cette opération respecte le droit européen. Or le règlement européen indiquerait qu’aucune dérogation n’est prévue pour les navires militaires[3]. Une procédure pour infraction à la législation européenne qui interdit le transfert de déchets dangereux vers des pays non membres de l’ OCDE est envisagée.
  • Jacques Chirac devrait se rendre en Inde avant la fin février[4]. Ce voyage pourrait mettre le président dans une situation délicate.

Autrement, selon un article de l’humanité[5], le chantier d’Alang censé accueillir le porte-avions français ne paraît pas être un poste d’avant-garde pour la protection et la sécurité des travailleurs. Le journaliste évoque 50 morts par an en plus des blessés, des problèmes de santé lié au contact de produits toxiques le tout dans un chantier gigantesque que les syndicats qualifient de zone de non-droit. Les employés travaillent à la journée ce qui permet de se séparer de toute personne osant revendiquer une quelconque amélioration des conditions de travail. Bref que du bonheur !

Si je reviens sur cette histoire que j’ai déjà largement traité[6] c’est que cette polémique n’est pas juste une pollution de plus d’un pays industrialisé dans un pays en voie de développement. Cette affaire met en cause directement l’état français et si ce n’est vraisemblablement pas une première, la médiatisation lui donne une résonance internationale. Une des conséquences déjà acquise de ce dossier c’est la perte de la légitimité de l’état français pour lutter contre la pollution dans les pays du sud. En effet, comment aujourd’hui l’état français pourrait se permettre de condamner une pollution illégale alors que le gouvernement fait la même chose en notre nom?

Il reste une question qui me taraude depuis le début : l’Inde connaissait-elle la présence d’une telle quantité de produits toxiques lors de la signature du marché ?