Bombay Maximum City - Suketu Mehta - Buchet Chastel


Les quelques critiques qui ont évoqué la sortie de "Bombay Maximum City" ont été très élogieuses. La dernière page de la couverture de cet essai regorgent de témoignages des plus grands écrivains indiens (Salman Rushdie, Amitav Ghosh,...) louant le travail de Suketu Mehta. Je ne dérogerais pas à ce consensus: ce pavé de plus de 700 pages est un petit bijou qui deviendra sans aucun doute une référence sur Bombay.

Suketu Mehta est né à Bombay qu'il quittera pour New-York à l'âge de 14 ans. Il n'aura de cesse de retourner le plus souvent et le plus régulièrement dans sa ville d'origine..

"Bombay Maximum City" est donc un essai sur cette ville un peu folle de plus de 19 millions d'habitants où la densité démographique atteint des sommets, où une grande partie de la population vit dans des slums (bidonvilles), où la pollution rend l'air irrespirable, où les problèmes de circulation, d'électricité ou d'accès à l'eau paralysent cette mégalopole. Une ville invivable où pourtant les indiens arrivent toujours en masse pour grossir un peu encore cette ville sclérosée.

Le talent de Suketu Mehta n'est pas d'avoir un écrit un essai froid et descriptif de cette ville mais d'avoir pour chaque thème abordés réussi à nous faire partager des rencontres incroyables. On y croise les auteurs mais aussi les victimes des émeutes anti-mulsulmanes de 1992-1993 , le dangereux Bal Thackeray chef du Shiv Sena le parti nationliste qui fut à la tête de Bombay bien qu'étant un des principaux responsables des émeutes anti-mulsulmanes, des parrains mafieux et leurs tueurs à gages engagés dans une guerre des gangs meurtrières, la police et un ambiguë commissaire aux méthodes "particulières", la Justice débordée et quasiment inefficace, des danseuses dans des bars comme la magnifique Mona Lisa ou l'énigmatique Manoj qui devient femme la nuit.

On croise aussi le monde du cinéma et la magie des bollywood. Metha décrit l'envers du décor de la plus grande industrie du cinéma où la féerie côtoie l'argent, les people, la censure, sa relation trouble et ambivalente avec mafia, les réactions démesurées d'un public protéiforme bref une machine à rêve bien plus complexe que ses films kitsch.

D'autres rencontres improbables comme celle avec un scientifique du Bihar ayant tout abandonné pour vivre comme poète sur les trottoirs de Bombay ou bien celle d'une famille de diamantaire qui abandonne tout pour se convertir au jaïnisme.

A travers les hommes et les femmes qui font Bombay, cette ville où rien ne marche, Suketu Mehta réussi l'impossible grâce à son courage, sa plume et sa grande humanité: nous immerger dans cette ville extrême et invivable et nous la faire aimer.

Un reportage plutôt qu'un essai, passionné, parfois drôle, parfois choquant, protéiforme, souvent déchirant. Un peu comme cette ville que j'ai plus que jamais envie de visiter.