Une fois n'est pas coutume (quoique qui sait...), je parle d'un livre qui ne rentre pas dans la catégorie de ma bibliographie indienne.

strategiechoc.jpg
La stratégie du choc - Naomi Klein - Acte sud


Parmi les livres qui m'ont "construit" politiquement il y a "No logo" de Naomi Klein. Paru en 2000, cette essai tentait d'expliquer le nouveau fonctionnement des entreprises (plutôt des très très grosses): sociéte de consommation, marketing, délocalisation, étaient au menu. Passionnant, instructif et malheureusement toujours d'actualité, cet essai a vraiment beaucoup compté pour moi. Je ne suis pas le seul puisque "No logo" est un des livres souvent cité par les altermondialistes.

2007 sorti de son nouvel essai: "La stratégie du choc" sous titré "La montée d'un capitalisme du désastre[1].

La thèse centrale est la suivante: La capitalisme et surtout sa dérive libérale s'appuierait sur un état de choc d'une population pour imposer ses solutions économiques désastreuses. C'est l'école de Chicago et son très célèbre inspirateur Milton Friedman qui seront les meneurs de ces révolutions au conséquences incalculables et surtout non calculés (A quand un livre noir du capitalisme?

Cela commence un certain 11 septembre 1973, lors du coup d'état d'Augusto Pinochet au Chili, avec l'aide des État-Unis. Le dictateur chilien en plus de toute les tortures, exécutions et crimes contre l'humanité mettra en place une nouvelle politique économique, appelé aujourd'hui libéralisme, sur les conseils de Milton Friedman. Le bilan économique et social fut catastrophique et pourtant...

Pourtant grace à d'autres chocs, cette expérience ratée va devenir la norme et s'imposer à travers le monde. En vrac, le choc du coup d'état de Suharto en Indonésie, les chocs de la fin de dictatures en Europe de l'est , la violence de Margaret Tatcher en Angleterre, la fin de l'apartheid, Tiananmen en Chine mais aussi la crise économique de 1997 en Asie dont le FMI est partiellement responsable, le tsunami, Katerina, le 11 septembre 2001, la guerre en Irak ("Choc et effroi" ca ne vous rappelle rien?) tout ces événements hétérogènes (mise en place ou chute de dictature, crise économique, attentats, guerres, catastrophe naturelles,...) sont les points de départ de la mise d'un capitalisme libéral radical connu sous le nom du consensus de Washington[2]. Moins d'états, privatisation, libre-échangisme, libéralisation du commerce extérieur, déréglementation. Bref le panel du parfait ultra-libéral.

A chaque fois c'est le même scénario: un pays hébété par un choc dont le peuple se retrouve à accepter la mise en place d'un libéralisme qui les dépossèdent, les appauvrissent et souvent se retrouvent bâillonnés pour laisser la machine libéral s'installer. A chaque fois, que le peuple s'appauvrit, une petite classe très privilégiée bénéficie très largement de ces politiques. une sorte de double peine.

Un des exemples les plus frappants est le choc de la fin de l'apartheid en Afrique du sud. Le projet de l'ANC, en dehors de l'abolition de l'apartheid, proposait un programme politique socialement ambitieux et très ancré "à gauche". Pourtant malgré la victoire de l' ANC en Afrique du Sud , mais comme partout ailleurs, le libéralisme a su imposer une société inégalitaire. Résultats? L'apartheid est aboli mais les noirs, souvent pauvres, restent dans des ghettos dominés par des blancs, souvent riches, vivant dans les beaux quartiers.

Il faut toujours un peu se méfier quand on lit un livre à thèse (et celui en est un). Le risque d'adapter l'histoire à son discours pour le faire "rentrer" dans la théorie est un écueil possible. Et pourtant, à la fin de lecture tout est clair: La capitalisme au mieux utilise des chocs pour imposer sa loi et au pire les créés. C'est violent, choquant un peu désespérant aussi et surtout implacable. Un livre majeur qui met en perspective une histoire du capitalisme s'appuyant sur des massacres, des guerres, des tortures, des crises entretenues voire fabriquées, des coups d'états et beaucoup de souffrance des peuples pour en en place de sa terrible machine libéral dont les conséquences ne sont pas plus joyeuses.

Reste que je me pose un question depuis que j'ai lu ce livre: Quid de la crise économique actuelle dont Naomi Klein n'a pu traiter puisque l'écriture de "La stratégie du choc" est antérieure? Est-ce vraiment un raté du système qui pourrait le faire vaciller ou simplement un point de départ d'un renouveau ultra-libéral encore pire?

Notes

[1] En anglais: "The Shock Doctrine: The Rise of Disaster Capitalism"

[2] Consensus? Joli novlangue!