Pour son unique roman, "Le dieu des petits riens", Arundhati Roy a obtenu le prestigieux "Booker Prize" mais elle est aussi (surtout?) connu pour son militantisme. Le recueil "L'écrivain militant" réuni t des textes dénonçant le développement de l'arme atomique en Inde, la grands barrages hydrauliques, ...

Le texte , Ma marche avec les camarades, publié dans la magazine indien Outlook, relate sa rencontre avec la plus grande menace pour l'Inde[1] c'est à dire les naxalites.

J'ai déjà parlé des naxalites ici même dans ce post. A l'époque je disais ceci:
Pour ceux qui suivent peu l'actualité indienne, les naxalites sont des groupes d'extrême gauche révolutionnaires, issus d'une tendance maoïste, (parfois violents: attentats, assassinats,..) qui sont présents dans 15 états (sur 28) principalement à l'est et au centre de l'Inde. Depuis que le premier ministre indien, Manmohan Singh, a déclaré que les naxalites constituaient la plus grande menace interne pour la sécurité du pays", des actions militaires ont été lancées contre les naxalites et sont toujours en cours. En gros, l'état indien lutte contre les méchants terroristes.
En fait, il manque quelques points dans cette présentation:

  • Le mouvement maoïste se développe en s'appuyant sur l'absence de l'état dans certaines régions.
  • Les naxalites défendent, quelques fois efficacement, les intérêts des adivasis.
  • Les adivasis qui subissent des horreurs de l'état ou de la part des para-militaires payés par le même état comme des expropriations pour l'exploitation minière de leur sous-sol, des villages pillés ou brulés, des femmes violés,...
  • La bataille se fait également sur le plan médiatique avec quelques mensonges éhontés concernant les activité naxalites, leurs rapports avec les populations locales,...


L'état des lieux sur cette mouvance est très flou, on appelle naxalites tout et n'importe quoi: les insurgés armés et violent mais aussi les sympathisants ou plus largement des villageois refusant de quitter leur terre et ou se rebellant contre la violence aveugle de l'état et des para-militaires ou tout simplement lorsqu'ils défendent leurs droits. Bref pour discréditer toute forme de rebellions adivasis, l'appellation naxalite est bien pratique en faisant passer de pauvres gens pour des terroristes. Bien sûr, tout n'est pas que manipulation mais quand les para-militaires violent les femmes d'un village puis brûlent le village pour permettre à quelques multinationales d'extraire du minerai grâce à d'opaques accords avec les gouvernements locaux, cela ne fait pas la une des journaux indiens. En revanche, il y a quelques semaines, lorsqu'une bombe explose au passage d'un train, les naxalites sont accusés par les médias (même le Monde en a parlé) et les responsables politique indiens recommencent "leur cinéma" à coup de déclarations belliqueuses. Que les naxalites nient toute implication dans cette action n'a que peu d'importance pour ces médias même si ce n'est pas la première fois que l'on leurs attribueraient des exactions à tort....

Alors bien sur les naxalites sont loin d'être irréprochables et leur fétichisme de la violence n'est guère défendable mais... reste que ceux sont les seuls qui défendent les adivasis aujourd'hui. Pour finir, avant de parler du texte d'Arundhati Roy, deux réflexions qui me tiennent à coeur:

  • Les naxalites défendent les pauvres, les démunis, les dominés et par principe, je crois que c'est un devoir moral de défendre "ce camp". Même malgré les actions violentes.
  • La violence des "méchants naxalites" est condamnable mais la violence de l'état est dans tout les cas plus inacceptable. L'inde étant une démocratie, ses actions violence se font au nom du peuple! Le terrorisme d'état sera toujours plus grave que les actions des mouvements qu'il combat surtout quand cette démocratie utilisent des outils de terreur bien plus grave.


Passons au très beau texte d'Arundhati Roy qui relate son voyage non officiel[2]. J'ai lu traduction française que je met en lien à la fin de cet article. La traduction est manifestement un travail de militant pressé ou pour le dire autrement la traduction est à chier. Parfois le texte n'est pas français et certains passages sont incompréhensibles[3] mais malgré cela le texte possède une grande force et reste émouvant. On retrouve l'esprit de ses écrits réunis dans le recueil "L'écrivain militant". Un texte brut et direct, en un mot un texte militant. Son écriture implacable fait mouche mais le discours va beaucoup plus loin qu'une simple dénonciation pour poser des questions fondamentales comme l'objectivité de l'histoire ou les rapports dominants/dominés qui sont des problématiques, malheureusement, beaucoup plus vaste que le seul problème des naxalites (qui ne sont que la conséquence d'autres problèmes). Sa spontanéité enthousiasmante ainsi que ses points de vues originaux offre au lecteur une autre vision du monde. Une vision à la subjectivité assumée mais, à mon sens, moins biaisé que les discours officiels. Alors oui c'est radicale et engagé et c'est tant mieux.
La beauté du texte et sa puissance émotionnelle ne doit pas le réduire à une dimension purement littéraire. C'est un document qui dénonce des horreurs qui se passe aujourd'hui en Inde, une démocratie, dans un silence insupportable tout ça autour d'intérêts purement économiques.

Notes

[1] Allusion aux déclarations du premier ministre indien.

[2] Sur ce point, elle est attaquée en justice car elle est rentrée dans des zones dites interdites.

[3] Petite va lire la vo.