A moins d'une semaine du référendum du 29 mai devant permettre la ratification du TCE, quelques petites réflexions personnelles sur le débat qui nous a été proposé.

VGE a génialement résumé la situation : C'est une bonne idée d'avoir choisi le référendum, à condition que la réponse soit oui[1]. Cela a le mérite d'être clair: le référendum est donc expurgé de sa dimension démocratique afin d’obtenir la réponse souhaitée, un oui bien entendu. Mais comment parvenir à ce tour de force qui consiste à demander l’avis des citoyens tout en laissant peu de choix dans la réponse?

1-Sélection des acteurs.

Pour commencer, les partis politiques ont accaparé le débat. La République finance la campagne électorale officielle uniquement au travers des partis politiques en excluant par la même occasion le financement de toutes les autres campagnes citoyenne n’ayant pas participé aux dernières élections européennes. Mais les clivages politique français sont loin de répondre aux problématiques du TCE; mais qu’importe, le pré-requis à cette grande manipulation est donc mis en place en privilégiant les interventions aux hommes politiques (dont la probité est loin d’être acquise). Mais cet état de fait n’est pas sans conséquence:

  • Tout d’abord, les partis politiques et leurs dirigeants ont des intérêts corporatistes (échéance électorales de 2007, carrière personnelle,…) très éloigné du débat.
  • Un refus de ratification du traité pourrait générer une "crise" ce qui n'est pas dans l'intérêt ni des partis au pouvoir (UMP, UDF) ni des partis pouvait y retourner (PS). Les grands acteurs du oui sont donc juges et partis...
  • Les partis (PS et UMP) défendent le oui en prenant soin de faire taire les voix discordantes dans leurs rangs laissant ainsi aux partis extrémistes ou considérés en tant que tel défendre le non (ce procédé permet une assimilation entre le non et l’extrémisme qui sera utilisé dans les débats).

Et voilà comment les acteurs du débat nous ont été imposés en limitant l'approche citoyenne du TCE qui rappelons concerne un texte présenté comme une constitution dont apolitique dans le principe.

2-Pourrir le débat et éviter de parler du texte.

Pour y parvenir j’ai repéré plusieurs méthodes :

  • L’Europe aveuglément : la construction européenne étant souhaitable, il ne faudrait pas la bloquer. Argumentaire fallacieux puisque cela revient à affirmer que n’importe quel texte doit être accepté pour la construction européenne.
  • Le catastrophisme : en cas de victoire du non, il faut s’attendre au chaos, à une catastrophe voir même la disparition de l’Europe, etc…
  • La diffamation : Les partisans du non vous mentent de Jacques Delors ou le non qui seraient anti-européen (on ne peut pas dire je suis européen et voter non de Jacques Chirac)
  • l’amalgame : Les nonistes sont des proches de l’extrême droite…
  • L’utilisation de la peur : selon Perben en cas de victoire du non des hordes de voyous envahiront l’Europe, un non équivaut au souffle d'une bombe atomique selon DSK, ….
  • discréditer les nonistes : ils ne sont pas européens, il n’ont pas compris ---> il faut leurs expliquer, faire de la pédagogie,…
  • et pour finir l'argument le plus puant : le nationalisme. Ainsi voter oui est bon pour la France ou bien voter oui au TCE c’est dire oui à une Europe à la Française et l’Europe en construction serait une France élargie.
3-L’appui médiatique

Pour offrir aux 2 points précédents une légitimité, il est nécessaire de s’appuyer sur les médias qui remplissent jusqu’ici leurs rôles avec une grande efficacité. Bien que les groupes propriétaires des médias se défendent de faire la part belle au camp du oui, la partialité des médias est fortement remise en cause. Les temps de parole et l’égalité de traitement seraient loin d’être respectés et certains marqueurs devraient fortement nous alerter : comptage d’ASI[2], les remontrances du CSA[3] et la pétition initiés par les journalistes[4], … Le clou du spectacle revient à un journaliste qui en plein JT de 20 h a remercié Simone Veil de rentrer en campagne pour le oui….

Rappelons tout de même que les dirigeants des groupes médiatiques tel que Lagardère, Bouygues, Dassault se sont exprimé à titre personnel pour les oui et que selon certains, les médias se doivent de diffuser des idées saines[5]….

Pour s'en convaincre, il faut jeter un coup d’œil sur le seul média indépendant : Internet. Les acteurs n’y sont pas les mêmes, les débats y sont souvent plus passionnant, on y parle du texte, d’articles, les argument des ouiouistes et nonistes y sont plus complexes,… Bref, les citoyens ont réagis sur le seul espace encore libre.


Oui, Monsieur Giscard, le référendum est bonne idée mais à condition que l’on laisse aux citoyens le droit de choisir! La démocratie c’est aussi de dire non quand la situation le nécessite…

Je suis convaincu depuis le début de cette campagne que le oui gagnera le 29 mai. Si le résultat du référendum me donne raison, je garderais en tête un insupportable soupçon: et si les conditions du débat avaient été plus respectueuse d’une certaine pluralité, le résultat aurait-il été différent?

Notes

[1] Le Monde daté du 6 mai 2005

[2] Comptage d’arrêt sur images

[3] Le Monde

[4] La pétition

[5] C'est ça la vérité!