J'ai toujours eu un profond mépris pour toute forme de censure. D'abord par principe. Et ensuite parce que c'est une méthode assez peu efficace.

Les motivations d'une censure sont fluctuantes dans le temps. Les deux critères principaux sont les moeurs et l'intérêt politique, industriel ou personnel. Les moeurs changent à travers le temps (personne n'oserait interdire Lautréamont ou Baudelaire aujourd'hui) et les intérêts politiques, industriels ou personnels sont temporaires. Bref avec le temps, ces motivations perdent toute pertinence.

De plus les tentatives pour étouffer un discours s'avèrent souvent inefficaces. Si les dictatures ou les bien pensants à travers l'histoire n'ont pas réussit à faire taire les discours gênants, à l'heure d'internet cela devient presque risible.

Aujourd'hui en France, il n'y a plus d'édit interdisant telle ou telle oeuvre par l'État ou des autorités religieuse[1]. Pourtant les moyens pour enrayer la diffusion de créations sont toute fois multiples.

(Avant de lister quelques exemples de censure moderne, il convient de rappeler que la première et plus efficace forme de censure est bien sur l'auto-censure)

  • Empêcher la diffusion d'une oeuvre. Pierre Carles avec son "Pas vu, pas pris" se retrouve bâillonner car les chaînes de télévision françaises ont choisit de boycotter son documentaire sur la télé. Ici le problème est double: Corporatisme des journalistes et groupe de médias extrêmement liés. (autres exemples: "Afrique 1950" de René Vautier)
  • L'attaque détournée. C'est une méthode qui consiste à interdire une création officiellement non pas pour son contenu mais pour sa forme. Bien sur dans ce cas les autorités se défendront de faire de la censure. Le livre "Vos papiers s'il vous plaît" n'a pas été attaqué pour son contenu (très instructif) mais pour sa couverture considérée comme insultante pour les forces de l'ordre.
  • Le procès pour l'avenir. La mésaventure du directeur ses Beaux-Arts de Paris, Henri-Claude Cousseau, qui a été mis en examen pour avoir montrer des images considérées comme ayant un "caractère pornographique, violent, portant atteinte à la dignité de l’enfant" lors d'une exposition en 2000 à Bordeaux. Effectivement, l'expo s'est déroulée sans trop de problème, donc elle n'a pas été censurée à l'époque. Ceci dit rien n'empêche de penser que maintenant les directeurs d'exposition regarderont à deux fois les créations pouvant leurs poser des problèmes judiciaires (autre exemple: le procès contre le groupe "La Rumeur").

Ces méthodes, il doit en exister d'autres, sont perverses car indirectes et assez sophistiquées. (Toute fois, Nicolas Sarkozy a réactualisé une forme de censure brutale en faisant en sorte d'empêcher la sortie d'un livre gênant sur sa chère Cécilia).

Quand à l'efficacité des ces méthodes, elles laissent souvent à désirer. Comme disait Victor Hugo: "On ne bâillonne pas la lumière"....

A ce propos, le net nous a offert cette semaine un feuilleton savoureux. Tout commence par la circulation d'un mail qui présente un reportage sur les dangers des OGM. Cette vidéo est censée avoir été interdite de passage sur l'antenne par Canal +. Plus tard nous apprendrons que ce reportage n'a non seulement pas été censuré mais a déjà été vu par 400.000 personnages lors de son passage sur la chaine cryptée. Trop tard, l'idée de censure a attirée maintenant plus de 3.000.000 de visionnages!

Voilà comment la censure est un outil marketing diablement efficace!

Notes

[1] Depuis la loi sur la séparation entre l'église et l'État, le problème ne se pose plus.