Traité fondamental de la medecine ayurvédique (1-Les principes) Caraka Saṃhitā - Jean Papin - Almora


Lire des traités indien sans être sanskritiste ni anglophone n'est pas toujours chose facile en France. Le sanskritiste français Jean Papin nous offre donc avec ce premier tome une traduction de ce texte "fondateur" de la médecine ayurvédique. Le "Caraka Saṃhitā" date du XIème siècle et est vraisemblablement une compilation à plusieurs mains d'une longue tradition de l'Ayurveda. En sanskrit, ce recueil est rédigé en vers (la traduction est en prose).

Si certains textes de medecine ayurvédique sont de nature philosophique, ésotérique ou religieuse (la médecine ayurvédique étant une des facettes l'hindouisme), ce premier tome du "Caraka Saṃhitā" est grande partie un traité très classique de médecine: Chaque chapitre traitant des remèdes pour un symptôme donné dont la liste est extrêmement riche: traitement des hémorragies, des tumeurs, de la lèpre, de la toux, de l'alcoolisme, des plaies, anémies, vomissements, fièvres, épilepsie, hémorroïdes, etc). C'est assez passionnant même si les listes des substances végétales, animales et minérales utilisés comme remèdes sont parfois laborieuses.

Dans ces listes de symptômes et de remèdes associés transparaît une vision de la médecine plutôt moderne malgré l'existence d'archaïsme sociaux. Par exemple, dans la médecine ayurvédique telle quelle est présentée dans les "Caraka Saṃhitā", l'état de bonne santé complet est lorsque le patient connaît le bonheur. On considère donc que ne pas s'épanouir dans sa vie est symptôme de mauvaise santé. J'ai comme l'impression que ce n'est pas la vision occidentale de la médecine... La parole compte d'ailleurs pour beaucoup dans les traitements.

Bon il faut admettre que quelques fois c'est assez drôle. Dans le chapitre "De l'apparition des signes précurseurs de mort", on peut y lire des choses comme cela: Le patient dont la tête se couvre d'une substance ressemblant à de la poudre de bouse de vache ... ne survivra pas plus d'un mois" ou bien "Si, en rêve, le médecin voir arriver un messager ébouriffé, nu, en larmes ou distrait, il pourra en conclure que son patient va mourir" (a ce propos les rêves ont beaucoup d'importance).

On y trouve aussi pas mal d'archaïsme du genre "Vous ne prescrirez aucun remède aux personnes mal vues par le roi" ou "On n'insultera pas les femmes, mais on se gardera malgré tout d'avoir trop confiance en elles. On ne leur dévoilera aucun secret et on ne leur concédera qu'une autorité et des inititiaves réduites".

Ce véritable manuel de médecine, qui est loin de se limiter aux citations anecdotiques citées ci-dessus, est une référence pour les amoureux de culture indienne, les personnes intéressées par les médecines alternatives et pourquoi pas les professionnels de la santé qui ne m'ont pas attendu pour s'y interesser.

Mais c'est grâce à ce genre de recueil sanskrit que l'Inde a pu faire annuler des brevets de laboratoires pharmaceutiques qui s'était octroyer la découverte de substances actives pour certaines pathologies alors que ces propriétés médicales était connues et décrites depuis longtemps dans ce type de recueil.

Pour finir une jolie "liste à la Prévert" sur la mesure du pouls qui peut être, c'est selon: "Accéléré, agité, ample, apathique, boiteux, bondissant, changeant, chaud, choatique, circulaire, creux, dandinant, déchiré, dédoublé, déprimé, dilaté, dodu, doux, droit, dur, en veilleuse[1], épais, excité, faible, filiforme, fin, frétillant, froid, frissonnant, fulgurant, fuyant, glissant, gonflé, hésitant, hypertendu, hypotendu, immobile, imperceptible, incompressible, instable, intermittant, irrégulier, lent, mou, nodulaire, noeux, pesant, plein, poreux, prostré, puissant, pulpeux, rapeux, rapide, ratatiné, rigide, sans tension, semblable à un fil de fer, sec, sinueux, tremblant, très mou, tortueux, vibrant et vif".

Et méfier vous si "un hoquet accompagné d'affaissement de sourcils et d'une violente sensation de brûlure interne" car c'est un signe de mort subite!

(Le tome 2 est sorti fin 2009)

Notes

[1] Pas bon ca!